Les prénoms

Publié le par Juliette Delattre

Un intellectuel moderniste des années 30, Oswald de Andrade, s´est rendu célèbre en définissant le Brésil comme un pays anthropophage. Tout comme le cannibale (premier habitant du pays) mangeait l´ennemi non pour se nourrir, mais pour s´approprier ses forces, Andrade affirme dans son Manifeste que le brésilien colonisé digère l´européen et s´enrichit de ses différences. Et les portugais ne sont pas les seuls à avoir planté leur camp sur la Bonne Terre; les français de Villegagnon, les hollandais de Nassau, mais aussi plus tard les missions scientifiques allemandes, russes, ainsi que l´ immigration espagnole, italienne, japonaise et syrio-libanaise sont venus métisser la population de ce pays âgé de 500 ans. Sans parler des innombrables esclaves provenant de l´Angola et des pays de la Côte de Guinée, qui n´ont cessé de déferler dans les ports de Salvador et de Rio entre le milieu du XVIème siècle et la fin du XIXème...

L´État civil brésilien est le témoin de cette gigantesque entreprise d´absorbtion culturelle. Des prénoms pittoresques, parfois incongrus à l´oeil européen, fleurissent les registres. Outre la kyrielle de prénoms nord-américains en nombre prédominant (Anderson, Daveson, Edilton...), rencontre-t-on des cas plus poétiques. Il s´agit plus souvent des enfants d´une même famille. Ainsi un fervent admirateur de l´indépendance américaine a-t-il appelé ses fils Georges et Jéferson (et non Jefferson; il s´agit de mon prof d´anthropologie du Noir) . Un autre couple, amateur de littérature française, a décidé d´appeler ses filles Nancy et Nice. La dame qui me loge, issue d´une famille de dix enfants, me parlait hier de ses frêres Wagner et Mozart. J´ai rencontré un Napoleão à la fac, un Klébert dans le bus, et l´Alliançe française peut s´enorgueillir de pouvoir compter sur Jules César comme gardien de nuit.

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